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Les derniers mois ont donné lieu à une activité importante de la part des organismes de concertation internationale et des autorités de supervision autour de la question du risque climatique. La quasi-totalité de ces textes n’est certes pas contraignante d’un point de vue juridique, mais la question climatique figure toujours bien en haut de l’agenda, en dépit d’un contexte qui aurait pu donner lieu à une temporisation avec la pandémie de COVID-19.

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Au niveau international, le NGFS (the Network of Central Banks and Supervisors for Greening the Financial System) a été très actif au cours de l’année 2020, avec la publication de quelques textes significatifs.

Guide for Supervisors: integrating climate-related and environmental risks into prudential supervision” définit le cadre d’une supervision prudentielle appliquée au risque climatique. Le texte contient une liste de recommandations à l’intention des superviseurs. Il aborde notamment la question des outils à leur disposition :

  • Les superviseurs peuvent intégrer les risques liés au climat et à l’environnement dans chaque étape du processus du SREP, et éventuellement in fine demander un add-on en capital.
  • En revanche, la capitalisation du risque climatique au titre du Pilier I semble difficile à mettre en œuvre à court terme. Elle nécessiterait que les modèles existants de risque soient revus pour intégrer la dimension climatique. De plus, les exigences en fonds propres sont calculées à un horizon de temps d’un an, alors que l’horizon de matérialisation des risques climatiques est normalement plus éloigné. Parmi les pistes envisagées figurent l’intégration d’une dimension forward-looking dans les modèles (donc sans recours à des données historiques) et une recalibration de ces modèles à une fréquence plus élevée, afin de capter les effets progressifs de l’élévation du risque climatique.

Le texte clarifie la question du « green support factor » : ce facteur constituerait une distorsion des exigences en fonds propres réglementaires et n’est donc pas souhaitable.

Le texte « Guide to climate scenario analysis for central banks and supervisors” fournit une trame méthodologique pour les exercices de stress-tests menés par les autorités de supervision. (En complément, “NGFS climate scenarios for central banks and supervisors” met à disposition des scénarios de référence constituant un point de départ commun pour l’analyse des risques climatiques.)

Enfin, “Overview of Environmental Risk Analysis by Financial Institutions” fournit une liste exhaustive d’exemples de la manière dont les risques environnementaux peuvent se transformer en risques financiers. Il contient aussi un examen complet des outils et des méthodologies d’évaluation des risques environnementaux actuellement utilisés par les établissements financiers.

Le Comité de Bâle a lancé une task force dédiée en février 2020 (Task Force on Climate-related Financial Risks – TFCR). Cette task force a publié en avril 2020 un premier rapport (« Climate-related financial risks: a survey on current initiatives ») effectuant un état des lieux des initiatives des autorités de supervision et des régulateurs bancaires dans une vingtaine de géographies. Elle a ensuite entamé une phase de recherche fondamentale sur les modalités de transmission du risque climatique au secteur bancaire. Cette phase est censée durer jusqu’à la mi-2021. A ce stade, le Comité de Bâle n’a pas encore entamé l’étude de la prise en compte du traitement prudentiel du risque climatique.

Le Financial Stability Board s’est également penché sur le sujet climatique, avec la publication en novembre 2020 du rapport « The Implications of Climate Change for Financial Stability ». Le FSB tire plusieurs constats clés :

  • Dans les scénarios centraux, les effets du risque physique et du risque de transition devraient a priori être d’une ampleur limitée. Mais ces estimations sont soumises à un risque de queue considérable, et il existe de nombreuses incertitudes méthodologiques sur leur fiabilité.
  • Le risque physique pourrait toutefois avoir des effets ciblés très déstabilisateurs pour des zones géographiques (notamment dans les pays émergents) ou des secteurs d’activité précis. Les risques climatiques peuvent également avoir des effets majeurs sur les primes de risque d’un nombre importants d’actifs. Ils peuvent aussi affecter la résilience du système financier via ses effets secondaires (réduction de l’offre de crédit, augmentation des primes d’assurance ou réduction du taux de couverture assurantielle).

Le FSB prévoit de poursuivre ses travaux en travaillant notamment sur la question de la disponibilité des données permettant de mesurer et surveiller les risques climatiques. La finalisation de ces travaux est attendue pour octobre 2021.

Au niveau de la régulation européenne, l’EBA continue selon la feuille de route sur la finance durable initiée en 2019, et dont les travaux sont censés se poursuivre jusqu’à 2025. Elle a ainsi lancé en novembre 2020 une consultation sur l’intégration des risques ESG dans la gouvernance, la gestion des risques et la supervision des établissements de crédit. La consultation, ouverte jusqu’au 3 février 2021, portait sur quatre principaux thèmes :

  • Définition des risques ESG
  • Indicateurs et métriques utilisés pour la mesure des risques ESG
  • Modalité de supervision des risques ESG
  • Gestion des risques ESG

Sur la base des résultats de cette consultation, l’EBA prévoit de publier un rapport final en juin 2021. Ce calendrier laisse donc envisager une publication de guidelines et de nouveaux standards par l’EBA au plus tard en 2022.

Par ailleurs, l’EBA a fait une avancée importante sur la question des risques ESG à travers le texte « Guidelines on loan origination and monitoring » (mai 2020). Même s’il ne s’agit pas de son objectif principal, le texte introduit une série d’exigences en matière de risque climatique :

  • Les banques doivent tenir compte des facteurs ESG (et donc du risque climatique) dans l’évaluation de la qualité de crédit des emprunteurs.
  • Elles doivent intégrer l’impact potentiel des facteurs environnementaux et du changement climatique, dans leur appétit pour le risque de crédit, leurs politiques et leurs procédures.
  • Elles doivent envisager mener des analyses au niveau portefeuille afin d’identifier les risques climatiques et environnementaux. Pour les contreparties exposées à un risque ESG élevé, une analyse plus approfondie est nécessaire (par exemple : examen des émissions de gaz à effet de serre, estimation de l’impact des futures réglementations en faveur de la transition énergétique sur la situation financière de l’emprunteur).

Il s’agit d’un texte qui aura portée contraignante pour les établissements de crédit : l’ACPR a indiqué son intention de mettre en œuvre ces guidelines à l’horizon juin 2022.

Au niveau de la supervision européenne, la BCE a également réalisé une avancée importante avec la publication en novembre 2020 de la version finale du « Guide on climate-related and environmental risks ». La BCE va maintenant en assurer le suivi auprès des banques en deux étapes :

  • Au début de 2021, elle demandera aux banques de procéder à une auto-évaluation par rapport aux attentes décrites dans le guide et d’élaborer des plans d’action. La BCE reverra ensuite les auto-évaluations et les plans d’action dans le cadre du dialogue prudentiel.
  • En 2022, elle procédera à un examen prudentiel complet des pratiques des banques et prendra des mesures de suivi concrètes si nécessaire.

La BCE précise que les risques climatiques ont vocation à être intégré dans l’ICAAP, notamment via l’analyse de scénarios et des exercices de stress-tests. Elle rappelle que le fait que le risque climatique soit difficile à quantifier (en raison des problèmes de disponibilité des données et de l’absence de réels standards méthodologiques) ne peut constituer un motif d’exclusion du périmètre de l’ICAAP.

Au niveau français, l’ACPR a publié en mai 2020 « Gouvernance et gestion des risques climatiques parles établissements bancaires : quelques bonnes pratiques ».
Par ailleurs, le premier exercice de stress-tests climatiques coordonné par la Banque de France a démarré au seconde semestre 2020. Les établissements concernés ont remis leurs résultats en décembre dernier, et la restitution de ce premier exercice par l’ACPR est attendue pour le printemps 2021.

Plus globalement, le contexte politique est maintenant favorable à l’accélération des mesures en faveur d’une transition vers des énergies décarbonées. Les premières mesures de l’administration Biden et la confirmation par la présidence portugaise de l’UE de la priorité donnée à la directive européenne sur le climat constituent des signes forts en matière de politique climatique. Dans cette perspective, il est donc essentiel que les banques accélèrent leurs efforts pour appréhender et gérer au mieux le risque climatique.

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@Jérémie Aynie – Senior Principal Finance & Risk jeremie.aynie@accenture.com